FAKHREDDINE LE GRAND
Quand la situation dans le Chouf redevint normale, sitt Nassab quitta Balloune et se rendit chez son frere l’emir Seifeddine al-Tannoukhi a Abey. Quand les enfants attinrent leur majorite, qui etait de 14 ans a l’epoque, leur oncle maternel leur rendit leur wilayat du Chouf et l’aine, devenu l’emir Fakhreddine II, reconnaissant, demanda a Ibrahim ibn Chidiac Sarkis el-Khazen de le rejoindre en son palais, le fit En 1600, le mokaddem Khazen meurt laissant quatre enfants dont l’aine Khazen est passe dans l’histoire sous le norm de Abou-Nader el-Khazen qui est a la base de l’importance de la famille, car il a toute la confiance de l’emir Fakhreddine qui le nomme «moudabber» a la place de son pere tant il appreciait ses qualites de noblesse, d’habilite, de sagesse, d’intelligence et de modestie et qui l’aidaient a gouverner d’une main de fer dans un gant de velours. «C’est a son influence et a ses sentiments de reconnaissance, precise Ristelhueber, que l’on doit attribuer la large tolerance religieuse de Fakhreddine. Elle permit aux maronites de collaborer sincerement avec les druzes dans le gouvernement de la Montagne et a l’emir lui-meme de faire l’unite politique du Liban en rapprochant ces deux peuples.» EXIL DE FAKHREDDINE «Plus on a, plus on veut avoir», dit un adage, et le succes foudroyant de Fakhreddine lui monte a la tete d’autant plus qu’il voue une haine refoulee et secrete aux Ottomans, assassins de son pere. Malgre les conseils de prudence de sa mere sitt Nassab et de son conseiller el-Khazen, il se lance dans une audacieuse aventure politique. Ferdinand 1er, grand-duc de Toscane qui cherche a se frayer un chemin commercial en Orient, depeche, en 1608, a sa cour installee dans son nouveau palais de Deir el-Kamar, devenue sa capitale, un emissaire qui signe avec Fakhreddine un accord secret qui I’engage a ouvrir ses ports a la flotte toscane et a la ravitailler, avec, en contrepartie, I’engagement de renforcer son pays, lui envoyer des munitions et des artisans pour la fabrication des canons. Mais des agents anglais de la «Perfide Albion” divulguent cet accord et la Sublime Porte decide de chatier son malgre tout vassal. Elle envoie une flotte de soixante vaisseaux et Ahmed Hafez, pacha de Damas, s’attaque aux armees par voie de terre faisant la jonction avec I’eternel ennemi et… beau-pere Saifa. Encercle, son «Parlement» refusant de le suivre et d’organiser la resistance, Fakhreddine prend la route de I’ex confiant la direction de I’armee a son frere Younes et fait proclamer son fils A «grand emir du Liban» et lui laisse Abou-Nader comme conseiller. Fakhreddine est patient et attend son heure tout en mettant a profit son sejour a toscan: il visite hopitaux, arsenaux, banques et exploitations agricoles ou s’initie aux nouvelles techniques. Sa patience et surtout sa connaissance de coutumes ottomanes prouvent la justesse de sa pensee politique : Le Grand Viz Nassouh Pacha est assassine a Istanbul et son protege Hafez Pacha et remplace par Mohamad Pacha comme wali de Damas. Ce dernier a toujours entretenu de bonnes relations avec les Maan et, a force cadeaux somptueux sitt Nassab obtient de lui qu’il intervient aupres du sultan pour le retour de son fils. L’emir retrouve son siege, le 9 decembre 1617, et son frere Younes le recoit en compagnie de Abou-Nader a la condition de demanteler quelques places fortes dont le Chateau de Beaufort . VENGEANCE
Fakhreddine, appliquant Ie proverbe libanais disant qu’ “/l ne dort pas sur une humiliationn” penetre dans Ie fief de Saifa, livre bataille en faisant jonction avec ses troupes et celles amassees par Abou-Nader a Nahr-lbrahim, soumet Saifa, demolit son chateau, fait transporter les pierres a Deir el-Kamar, a quatre jours de marche, et les utilise a reconstruire son propre chateau demoli par ce meme Saifa et lui fait payer une rancon de 600 000 piastres-or qu’il envoie au sultan. Pour recompenser les Khazen, il adjoint au gouvernorat du Kesrouan ceux de Jbeil et de Batroun, et Msayleh est construite comme tour de surveillance.
Mettant son sejour toscan a profit, Fakhreddine ameliore Ie pays, Ie remet en marche, importe des artisans toscans et, instruit par l’experience, construit une armee constituee de 45 000 sokmans et un service obligatoire pour les paysans qui doivent s’exercer au metier des armes une fois par semaine. II en garde 15 000 appartenant a toutes les confessions et classes sociales. Tout cela est mal vu du Pacha de Damas qui penetre en 1623 et livre bataille a Anjar ou I’armee de Fakhreddine ne tarde pas a lui infliger une defaite si totale que la Sublime Porte lui decerne Ie titre de «sultan el-barr» en Francais “sultan du continent”. II est devenu Ie prince Ie plus puissant de ‘Empire et sa domination s’etend d’Antioche au nord jusqu’a Palmyre a I’est et Safad en
APOGEE ET DECLIN
Cette periode est I’age d’or du Liban ou les Libanais, toutes religions confondues, tirent partie de la prosperite et, quand I’estomac est plein, tout va. Puis I’erreur fatale arrive quand, pour faciliter l’ancrage du commerce florentin alors a son apogee, Ie grand-duc de Toscane decide de nommer un consul general a Saida qui recoit pres d’un navire tous les trois jours. Nous sommes en 1630 et Fakhreddine fait une entorse au protocole en recevant lui-meme les lettres de creance, privilege exclusif du sultan Mourad IV encore enivre par sa victoire contre Ie shah de Perse. Injonction est faite au wali de Damas Kutchuk Pacha de destituer I’emir et de Ie combattre par voie de terre alors que la flotte ottomane I’assiege du cote de la mer. Fakhreddine voit tomber sur Ie champ de bataille son fils aine Ali, son frere Younes et I’elite de son armee. II se rend et est emmene avec sa famille a
Quant a Abou-Nader et son oncle Abou-Safi, I’emir Ali Alameddine interceda en leur faveur et ils retournerent au Kesrouan alors que I’emir Hassan et son moudabber Abou-Nawfal furent emmenes prisonniers par Khalil Pacha a
KAYSSITES V/S YEMENITES
Le depart de Fakhreddine plonge Ie Liban dans un tourbillon de violence. Emirs et cheikhs veulent grignoter leur part de I’heritage et ils reglent leurs differends a la force de I’epee. En 1636, Kutchuk Pacha est decide a se debarrasser des Maan et ecarte I’emir Melhem, fils de Younes et done heritier legitime de Fakhreddine. II place a la tete du Chouf I’emir Ali Alameddine, chef du clan adverse les Yemenites. Depuis toujours, Kayssites et Yemenites – appellations qui differenciaient les tribus venues d’Arabie et celles originaires du Yemen – se disputaient le pouvoir au Liban, le parti kayssite etant toujours dirige par un Maan et donc dominant dans le Kesrouan des Khazen. Une entente se dessine entre I’aga de Damas Ahmad Chamli et I’emir Assaf Sa’i’fa avec pour but de se debarrasser de Alameddine sous pretexte qu’il ne leur verse pas les taxes recoltees. A la tete de 7 000 hommes, leurs forces penetrent dans le Kesrouan, exterminent Alameddine, sa famille et grand nombre de ses partisans.
Cette victoire reunit tous les vainqueurs kayssites autour de I’emir Melhem, petit-tils de Fakhreddine Le Grand, qui se reinstalle au Chouf et au Kesrouan.
Apprenant la nouvelle, cheikh Abou-Nader, son fils Melhem et son frere Abou-Khattar rentrerent de leur exil florentinet I’emir Melhem leur rendit leurs terres et leur gouvernorat du Kesrouan qui s’etendait de Jebbet-Becharre jusqu’aux limites de Beyrouth et reprit Abou-Nader comme moudabber a ses cotes.
CHEIKH ABOU-NAWFAL EL KHAZEN
A la mort de Abou-Nader, survenue en 1647, le poste de moudabber fut repris par son tils Abou-Nawfal qui fut charge, entre autres missions, de collecter les taxes sur son domaine qui s’etendait aux Chouf, Kesrouan, Batroun, Akkar, Jebbet Becharre. En 1652, Abou-Nawfal introduit les jesuites au Liban -(voir encart Antoura) – et le pape Alexandre IV le sacre chevalier remain qui permettait de porter la banniere frappee d’une croix, suivi par la charge de consul de France par Louis XIV (voir consuls de France). En 1658, I’emir Melhem meurt et le pouvoir de la Montagne se transmet a ses deux fils Ahmad et Korkomaz qui confirment le poste de moudabber a Abou-Nawfal.
ANTOURA & CHEIKH ABOU-NAWFAL
Le college d’Antoura, fonde par les peres jesuites en 1656, fut leur premier college au Liban alors qu’ils etaient deja installes a Alep depuis 1627 et a Damas depuis 1643. C’est a la suite d’un accident fortuit, dit la chronique, qu’ils debarquerent sur les cotes du Kesrouan. Deux peres affronterent une enorme tempete qui les jeta aux environs de Jounieh. L’un d’eux, le pere Lambert, etait un ancien commercant de SaYda, entre en religion apres une vie aventureuse. Amenes chez Abou-Nawfal, il les accueillit avec empressement, leur offrit I’hospitalite, une residence a Beyrouth et une propriete a Antoura ou ils fonderent le fameux college qui continue a accueillir les eleves jusqu’a aujourd’hui. Ce college passa aux mains des lazaristes lors de la suppression par le Vatican de la Compagnie de Jesus en 1773.
FAYAD DIT ABOU-KANSO
En 1668, la peste faisait des ravages dans les wilayats d’Alep ou Ie chiffre de 140000 morts est mentionne dans les registres, 75 000 a Damas et autant a Tripoli et au Mont-Liban. Abou-Nawfal prend ses precautions et divise ses proprietes entre ses huit fils, Nawfal, Fayad, Khazen, Torbey, Khater, Sleiman dit Abou-Ali, Kayss dit Abou-Ajam et Abou-Nasr. II meurt Ie 13 aout 1679, admire etrespecte de tous. Son aine survivant, Fayad, connu sous Ie nom de Abou-Kanso, herite la charge de consul de France et debute son regne en batissant un couvent somptueux a Ghosta en y jouxtant une eglise Mar Elias el-Hay, en memoire de son pere. Comme il arrive souvent dans les families nombreuses ou n’existe pas la primogeniture – droit donnant la primaute a I’aine – tout n’allait pas pour Ie mieux entre les huit freres surtout en ce qui concerne Ie troisieme prenomme Khazen. Tete brulee, notoire, et malgre les semonces de ses freres, il finit par se faire assassiner quand il decida d’aller tuer un des emirs Harfouche : c’est son frere Abou-Kanso, aide par ses tils Sakhr et Hosn, qui prit sur lui de debarrasser la famille de I’indigne rejeton qui, par ses actes incontroles, risquait de jeter I’opprobre sur toute la famille.
ABOU-KANSO
Fayad, dit Abou-Kanso, etait un homme juste qui mettait toujours I’interet de la famille, des Kesrouanais et de son ernir au-dessus de toute autre consideration, comme on I’a vu precedemment, et qui n’avait pas froid aux yeux. Ainsi, un denomme Abou-Moussa Zaarour avait reuni autour de lui une armee metoualie de coupeurs de grands chemins et qui allait jusqu’a s’attaquer aux fermes et aux villages qu’elle razziait impunement, soumettant la population a toutes sortes d’exactions. Un jour, alors que cette bande attaquait Wata Jozz, Abou-Kanso envoya son fils Fayad a la tete de ses hommes et lui livra une bataille rangee. Zaarour fut tue, ses gens poursuivis et chasses du Kesrouan qui redevint une oasis de paix.
Abou-Kanso rendit I’ame Ie 17 septembre 1691 laissant six fils : Hosn, Sakhr, Khattar, Haykal, Daham et Dargham. Ce dernier devint patriarche sous te nom deYoussef. Abou-Kanso mort, les Hamade reprirent du poil de la bete, volant les denrees stockees au port de Jbeil, tuant et razziant particulierement Akoura tant et si bien que ies Khazen s’adresserent au wali de Tripoli Ali Pacha et a I’emir Ahmad. Ce dernier ordonna d’aller a la rescousse et demanda aux Khazen d’adjoindre a ses troupes miile hommes de chez eux. Ils Ies evincerent du Kesrouan, de Jbeil et de
LA FIN DES MAAN
Cheikh Hosn est Ie fils de Fayad Abou-Kanso et a Ies qualites de son pere. II est confirme, en 1693, comme consul de
C’est a cette. epoque, surtout vers 1702, que I’idee de, faire du Keserwan une terrede refuge pour la Chretienite orientiale recut toute l’attention des Khazen (voir Bkerke et Ies wakfs religieux). Hosn s’en ouvrit a Louis XIV dans une lettre adressee par I’entremise de Son ministre des Affaires etrangeres Pontchartrain en demandant au roi de France une aide financiere. Le Roi-Soleil repondit a Hosn par une lettre des plus aimables le traitant de «cher emir» et lui envoya la somme de… 1 000 francs argant: « des guerres. Intermi’nables qui luicoutaient
L’emir Ahmad mourut le 13 septembre 1697, sans heritier male, et c’est avec lui que s’c«rrete I’epopee des Maan qui gouvernerent le Liban 580 ans et qui firent tellement pour le Liban en general et pour Ies maronites en particulier a travers leurs conseillers, Ies Khazen.