LES MARONITES
On ne peut parler des druzes sans evoquer les Joumblatt, de meme pour les maronites sans s’etendre sur les Khazen. En effet, la population maronite du Liban etait concentree principalement dans les montagnes nordiques de Jebbet-Becharre. Au debut du XVIIeme siecle, attires par la tolerance religieuse et les opportunites d’emploi, ils commencerent a emigrer de Jebbet-Becharre et du sud de Jbeil vers Ie Chouf et Ie Kesrouan. Vers la fin des annees 1600, ils avaient completement colonise Ie Kesrouan et les maronites devinrent une part de I’emirat maanite de Djebel druze. Eglises et couvents, prelats et pretres les suivirent et, graduellement, Ie Kesrouan devint Ie centre de la communaute maronite, atteignant son apogee quand Ie patriarcat s’y installa en 1766.
Durant la periode ottomane, I’histoire de I’Eglise maronite se divise en deux parties: la phase traditionnelle avant 1736 et la periode de reforme apres cette date charniere.
Durant la phase traditionnelle, Ie patriarche et ses eveques vivaient ensemble dans un monastere du XVeme siecle a Qannoubine, dans la vallee sainte de la Kadisha qui etait Ie siege officiel du patriarcat ainsi que dans trois monasteres de Jebbet-Becharre. Le patriarche et ses eveques etaient souvent des freres, des cousins, dont les relations n’etaient regies par aucune loi formelle. La suprematie du patriarche etait reconnue par les clerges et communautes mais ses fonctions et pouvoirs n’etaient pas bien definis. Les eveques n’etaient pas nommes dans des dioceses particuliers mais etaient des envoyes patriarcaux in partibus quand le besoin s’en faisait ressentir, surtout quand il etait question de collecter la dime. Un consensus entre la communaute et les prelats s’etablissait pour I’election du patriarche, mais I’heritage du siege par des membres de la famille etait la pratique avant le XVIIeme siecle. Aucune loi n’etait definie pour I’election des eveques mais generalement c’etait le patriarche avec le college des eveques et les membres influents de la communaute qui les elevaient a cette dignite.
Les Khazen, Mouqati’ji du Kesrouan – c’est-a-dire qui gouvernaient une region avec des chefs hereditaires qui avaient une grande autonomie dans leurs relations avec I’emir du Liban – qui controlaient presque toute la region, devinrent de plus en plus influents, et I’Eglise, avec tres peu de ressources personnelles, comptait sur la generosite de cette grande famille feodale avec pour resultat que, petit a petit, les Khazen jouisserent de la prerogative de nommer les eveques de trois dioceses qui sont les eveques de Baalbeck, de Damas et d’Alep, partageant avec I’Eglise ses prerogatives dans les nominations d’autres eveques. Ainsi, comme ils avaient la richesse necessaire pour batir aussi bien couvents que monasteres, ils s’etaient reserve Ie droit d’en controler I’acces aux offices et, par droit d’heritage, transferaient les positions religieuses a leurs parents. II y eut, de par ce fait, trois patriarches de la famille : Youssef Dargham (1733-1742), Toubia (1756-1766) et Youssef Ragi (1845-1854) et sept eveques.
LE MOUVEMENT DE REFORME
Deux elements, I’un exterieur et I’autre interieur, contribuerent a organiser I’Eglise maronite :
Le premier element etait un effort continu du
Le second element, interieur celui-la, fut que la communaute s’agrandissait et se repandait dans toute la montagne libanaise, s’eloignant physiquemerit ainsi du patriarcat car il fallait plusieurs voyages pour y acceder. II devint necessaire d’etablir des dioceses afin que les maronites dans les montagnes eloignees ne perdent pas leur foi et leur identite de groupe.
Les resolutions du concile libanais de 1736 constituent la loi fondamentale et la Constitution de I’Eglise maronite mais il a fallu attendre 1818 et sept autres conciles pour que cette loi devienne effective. En effet, l’opposition des leaders temporels comme les Khazen ne voyait pas d’un bon ceil se substituer leur influence spirituelle dont derivait la temporelle par I’ordre religieux. De meme que la presence physique des eveques aupres des maronites en faisait des leaders sociaux. A partir du XIXeme siecle, les prelats jouaient Ie role politique de leaders de leur communaute.
S’ensuivit, presque naturellement, I’etablissement de L’Ordre
Wakfs maronites de la famille el Khazen
II est a noter qu’il n’y a pas de palais batis par la famille mais un nombre impressionnant de couvents et d’ecoles au nombre de 27, parmi lesquels :
– Eglise St-Antoine erigee par Abou-Nader el-Khazen en 1600.
– Eglise dediee a la Vierge, offerte par Abou-Nawfal a Ajaltoun en 1647.
– Couvent Saint-Antoine des peres capucins donne en 1671 par Santo ben Fayad el-Khazen.
– Eglise et couvent Mar Elias el-Hay (Ghosta).
-Couvent Tamich donne par Abou-Nawfal en 1673.
-Wakf de Ain-Waraqa en 1690 donne par Chareh el-Khazen et son frereFayad.
-Couvent Mar-Roukoz donne aux antonins,en 1700, par Haykal, Dargham, Daham et Sakhr el-Khazen.
-Couvent et college d’Antoura des peres jesuites : un tiers achete par Ie pere Antonios et les deux autres tiers offerts par Abi-Charwan el-Khazen.
-Couvent de Mar-Yachah, offert par Santa Nader el-Khazen en 1729.
-Ecole de Meyrouba en 1781, offerte par Milane el-Khazen.
-Eglise Mar-Doumit de Zouk Mikael.
-Couvent Mar Elias d’Antelias offert par cheikh Khaled el-Khazen aux soeurs antonines.
-Ecole d’Ajaltoun en 1751, donation de cheikh Khaled.
-L’ancienne eglise de Faraya offerte par cheikh Chayban el-Khazen.
-Couvent de Awkar offert par Daham, Khattar et Joumblatt el-Khazen en 1832 aux soeurs antonines.
-Sayedat el-Wata en 1783 fut offerte conjointement par cheikh Bechara et sa cousine Santa.
-Le terrain sur lequel est elevee la statue de Notre-Dame du Liban a Harissa est un don de Youssef Francis Abi-Nader el-Khazen.
-Le souk ancien de Zouk Mikael exploite aujourd’hui par la municipalite.
Bkerke, siege du patriarcat maronite, est aussi un wakf de famille el Khazen. Son histoire vaut peine d’etre racontee:
En 1704, le patriarcat maronite se trouvait au Liban-Nord, car ce fut la que les maronites se refugierent. La region etait surtout «metouali» et son zaim Issa Hamade demanda au patriarche Douaihy une importante somme d’argent. Devant refus de celui-ci d’obtemperer, Hamade le gifla et se repandit en injures. Sur ce, le patriarche ecrivit a cheikh Hosn el-Khazen et ce dernier ramena de Deir-Qannoubine, son lieu de residence, au Kesrouan ou il logea durant trois mois au couvent Mar Challita de Ghosta. En 1750, les Khazen avaient offert Bkerke et cetafaisait plusieurs decennies que les Khazen priaient en vain le patriarcat de se transferer du Nord vers le Kesrouan ou se trouvait la plus grande partie de ses ouailles. Ce n’est que quand ce fut un Kesrouanais, en I’occurrence Youssef Hobeiche, appartenant a une grande famille, parent des Khazen, qui parvint a la tete du patriarcat de 1823 jusqu’en 1845, que le siege d’hiver fut transfere a Bkerke tout en gardant Dimane comme residence estivale.
De tous les privileges inherents aux Khazen, il en reste un, hereditaire : celui permet a deux cheikhs de la famille, de la branche de Ajaltoun et I’autre
SUR LA LIGNE DES CRETES
De la lecture des archives de la famille el Khazen, il semble que nous devons reviser la notion ancrée dans notre mémoire collective que ce n’est qu’après l’effondrement de l’Empire ottoman que le Liban devient «refuge des minorités chrétiennes d’Orient». En effet, à partir de Bkerké, siège du patriarcat maronite sur la ligne des crêtes jusqu’aux confins du Kesrouan, se trouvent la plupart des institutions des églises orientales, dons de la famille el-Khazen.
En 1681, cheikh Santo el-Khazen offrit une ferme qu’il possédait à Harissa aux pères fransiscains pour y bâtir un couvent et une église.
En 1716, cheikh Sakhr ibn Abou-Kanso répondit à la demande de quatre prêtres arméniens-catholiques venus d’Alep et leur donna le couvent de Kraymé à Ghosta.
Quand les grecs-catholiques ont été persécutés au XVIIème siècle par les walis turcs d’Alep, ils se réfugièrent au Kesrouan et cheikh Moussa el-Khazen leur donna, en 1719, un terrain à Zouk Mikaël pour y bâtir un couvent, Notre-Dame de l’Annonciation, suivi d’un autre don de son frère Abou-Chehwan, toujours à Zouk, où furent érigées l’église Saint- Georges et sa procure.
En 1729, cheikh Moussa offrit Deir Sayc el-Béchara à Zouk Mikaël.
En 1747, le nouvel Ordre des Basiiiel détaché de l’Ordre des Alépins, s’étal dans un wakf offert par Moussa ibn Torb el-Khazen près de Zouk Mikaël.
En 1748, les syriens-catholique construisirent leur couvent connu sous nom de Deir el-Cherfé sur un terri offert par les Khazen.
Pour les arméniens-catholiques, c’est Sakhr el-Khazen qui leur donna le terrain de Wadi-Ghosta où ils érigèrent le couvent de Deir Kraym. Leur nombre augmentant, celui-ci s’avéra trop pere Mechref et Antoine el-Khazen leur offrent la ferme de Bzommar, en 1749, avec tout ce qui se trouvait : maisons, vignes bétail, etc.
En 1753, les moines grecs-catholiqu reçurent le couvent de Notre-Dame Pleurs à Baatouta, offert par Fadel Abou Khattar el-Khazen.
En 1820, les enfants de HaykaI Khazen firent don aux Arméniens Saint-Antoine Khachbaw.