Khazen

 

Les chrétiens sont, depuis deux mois, au cœur du débat présidentiel libanais. Alors que cette communauté affronte de dangereux défis au niveau régional, quelle est la position du bloc  parlementaire du Changement et de la Réforme dans ce contexte périlleux? Magazine a  rencontré le député du Kesrouan, cheikh Farid el-Khazen.

 

Quel regard portez-vous sur les récentes déclarations de sayyed Hassan Nasrallah, selon  lesquelles le Hezbollah n’est plus uniquement une résistance contre Israël, mais un mouvement  régional contre le terrorisme?

C’est une façon de parler. Le Hezbollah veut sans doute dire qu’il est contre les mouvements  islamistes radicaux et désire inciter à une mobilisation générale contre eux. Le Hezbollah ne peut pas s’engager dans des guerres contre les islamistes partout dans le monde. Aujourd’hui, nous faisons face un défi sans précédent. C’est, en effet, la première fois que nous avons affaire à des mouvances qui n’ont pas d’autorité centrale. Les mouvements tels celui de l’Etat islamique sont des mouvements  totalitaires, similaires au communisme, au nazisme, et à tant d’autres. Ils finiront par être vaincus,  mais nous aurons entre-temps des millions de victimes, comme c’est le cas en Irak.

 

Ne craignez-vous pas que Liban subisse le même sort que l’Irak?

Le Liban ne court pas ce risque, les chefs politiques libanais sont conscients qu’une nouvelle guerre  dans le pays serait particulièrement destructrice et n’aboutirait à rien. De plus, les puissances  régionales ne semblent pas vouloir que le Liban se transforme en un nouveau champ de bataille parmi  tant d’autres dans le monde arabe.  

 

Le ministre Boutros Harb prône une élection présidentielle à la majorité absolue. Pensez-vous  qu’elle soit possible?

Je ne pense pas qu’elle soit possible, le système politique libanais dans sa version actuelle de 2014 est  de plus en plus basé sur le principe du consensus, ce qui entraîne une élection à majorité des deux tiers. Une élection présidentielle à la majorité absolue ne correspond pas à la Constitution et au respect  intrinsèque des droits des communautés car dans ce cas, certaines confessions seraient écartées du processus électoral. Il existe également un très fort clivage sectaire entre sunnites et chiites.

 

Certains au sein du CPL seraient d’avis d’agiter la menace d’une vacance au niveau duParlement afin de forcer les députés à une élection présidentielle plus rapide. Etes-vous de cet  avis?

Ce n’est pas vrai du tout. Actuellement, le vide ne peut qu’aboutir à une nouvelle vacance de pouvoir.  Les diverses factions ne sont déjà pas d’accord sur la loi électorale, comment pourraient-elles parvenir  à un consensus sur d’autres dossiers encore plus complexes? Le vide ne va en aucun cas créer un  nouveau dynamisme au sein des institutions, mais conduira à une vacance encore plus importante.

 

Michel Aoun dirige le bloc chrétien le plus important, mais sa non-élection justifie-t-elle une  vacance à la tête du pouvoir, alors que la région est en ébullition, et que les chrétiens sont  persécutés de part et d’autre? 

Les élections présidentielles en 2014 sont différentes de celles des années 90, lorsqu’elles étaient  organisées sous l’hégémonie des Syriens, et de même que celle de 2008 lors de la conférence de Doha. Les présidentielles de 2014 sont l’occasion d’entamer un dialogue entre les Libanais, il n’est pas  seulement question de voter au Parlement. Le Liban occupe une place privilégiée au Moyen-Orient,  car il existe un dialogue entre les chefs chrétiens comme le général Aoun et, musulmans, comme Saad  Hariri et sayyed Nasrallah, c’est déjà un grand atout. Ce dialogue peut prendre un certain temps avant  d’aboutir, mais cela ne va pas pour autant affecter les chrétiens. Tous les acteurs politiques campent  actuellement sur leurs positions, mais la différence entre les années 90 et aujourd’hui est que les  chrétiens sont des acteurs primordiaux et ont regagné leur rôle politique pour ce qui est de la  présidentielle. Ils ne sont plus marginalisés. On revient donc à l’équilibre confessionnel, ce qui entraîne un coût politique.

 

Pensez-vous que la prorogation du Parlement soit inévitable?

Notre position sur la question est claire depuis un certain temps, nous étions déjà contre la première prorogation parlementaire. Mais il est vrai que cette dernière pourrait se faire de facto au vu de la situation sécuritaire, notamment dans la Békaa. Nous espérons ne pas y avoir recours, mais cela semble être une possibilité.