In memory of Cheikh Philippe El Khazen – March 6th 1996
LE CORPS MEDICAL LlBANAIS EN DEUIL
LE PROFESSEUR
PHILIPPE EL-KHAZEN N’EST PLUS
La disparition soudaine de Philippe El-Khazen, professeur honoraire a la Faculté de Médecine de l’U.S.J., chevalier de l’Ordre du Cèdre et de la Légion d’honneur, a jeté la consternation dans les milieux médicaux, politiques et sociaux de la capitale.
Cet homme foncièrement bon et qui avait le culte de l’amitié, a succombé a une attaque cardiaque implacable.
Agrégé des facultés françaises en pathologie après des études médicales a la Faculté de Médecine de Beyrouth, il devait enseigner la pathologie avant de devenir médecin-chef de I’H6pital Libanais (Geitaoui) fonde par son père Ie Dr Hanna El-Khazen, Homme de grand bien, il n’a jamais hésité a faire profiter de sa science médicale un malade indigent.
Député au Kesrouan sous le mandat du président Chamoun, il déploya une activité remarquable au profit de sa région.
Foncièrement probe, il fut toujours un homme du dialogue profondément attaché au Liban.
Vice-président de la Ligue maronite, il accepta la vice-présidence Ie l’Union Démocrate Chrétienne Libanaise, membre de l’Union Démocrate Chrétienne Mondiale. Plusieurs membres de cette union furent ses hôtes de leur visite au Liban.
On doit au professeur Philippe El-Khazen des ouvrages et des articles de science médicale.
Ghosta, sa localité natale et le Kesrouan lui ont fait d’imposantes obsèques au milieu d’une foule émue.
A Mme Philippe El-Khazen et ses enfants, M. Jean-Philippe El Khazen et Mme Jérôme Ferrier, a MM. Farid et Malek El-Khazen, frères du défunt, ainsi qu’aux membres de la famille cruellement éprouvés, «La Revue du Liban» qui perd en le professeur El-Khazen un grand ami, les assure de sa sympathie émue.
– La Revue du Liban 10 Mars 1996 –
***
IL N’Y A PAS DE MORT …
Mon ami, mon collègue et maître Philippe El-Khazen s’est éteint dans la nuit du 6 mars. Son âme rompit les liens du corps en la 75e année de sa vie. 11 a ferme les yeux à la porte d’un hôpital, ou des soins urgents lui furent vainement prodigues.
Sa brusque disparition nous sort du monde des illusions pour entrer dans le réel: la réalité de ce départ qui emporte avec lui une partie de notre vie, et que I’ oubli viendra bientôt effacer.
A la nouvelle de sa mort, je me suis rappelé cette merveilleuse pensée de Maurice Genevoix: «II n’y a pas de mort. Je ferme les yeux, et j’aurai mon paradis dans le coeur de ce qui se souviendront de moi… ».
Mon ami Philippe, j’en suis certain, trouvera vite son paradis. Il le trouvera dans Ie coeur de ses confrères qui ont constamment eu pour lui estime et respect. Issu d’une grande et noble famille qui est partie intégrante de notre histoire, fils d’un grand clinicien émérite, étudiant comble, brillant interne des hôpitaux, un des premiers Libanais agrégés des facultés de France, jeune titulaire d’une chaire de médecine clinique, il a été pour nous, au début de notre carrière, l’exemple et le rêve a suivre.
Il le trouvera encore dans le coeur de ses collègues de la faculté qui se souviendront de sa prestance dans les amphithéâtres, de sa rigueur au chevet des malades, de sa générosité de coeur face aux souffrances, de la noblesse d’une profession qu’il portait a bout de bras. Mon témoignage est la vérité d’un élevé qui l’admirait, et rien dans cette vérité ne peut un seul instant faire hésiter ma main ou trembler ma plume.
Son paradis, il le trouvera dans Ie coeur de ses collaborateurs, pendant de nombreuses années à l’Hôpital Libanais. Administrateur et bâtisseur audacieux, bouillonnant de projets, voyageur en mission, distrait de lui-même et vigilant pour les autres, il a pleinement exprime l’épreuve de ceux qui veulent accomplir trop de choses en une vie: cette différence de ce qu’on est et de ce qu’on voudrait être, qui est une grande amertume d’ici-bas.
Son paradis, il l’a aussi dans Ie coeur de ses amis, qui ont parfois envie le bel homme, séducteur indulgent, conteur intarissable, hôte aux bras ouverts, a la politesse innée, politesse du corps et de l’esprit.
Son Eden, il le trouvera aussi dans le coeur de ceux qui l’ont côtoyé dans sa carrière politique. Adulte mûr et comble, idéaliste, il a voulu se jeter dans la lutte politique, métier qu’il voulait noble par l’amour du pays et des citoyens. Elu député, membre du Parti Démocrate et de la Ligue Maronite, il a certainement cru qu’a côté de la médecine, la politique était le chemin de son accomplissement. C’est dans la jungle politicienne qu’il a été heurte par la démagogie, le mensonge, les drames et les passions d’un pays en feu, ses éclats et ses rumeurs et bientôt les déceptions et l’oubli. Un monde ou ses pareils ne sortent jamais intacts.
Mon cher Philippe
Ton paradis Ie plus serein, tu le trouveras dans le coeur de Renée, de tes enfants et de tes élèves. Tous se souviendront d’un homme qui a «tenté de faire ce qu’il a pu»: un grand médecin, un grand enseignant, un homme poli et un amoureux inconditionnel de son pays.
Sois heureux dans tes paradis. Désormais libre est ton âme. Finis les soucis et les amertumes. Fini aussi le bonheur de t’avoir comme ami.
«Les morts ne sont pas morts», dit le sage. C’est assez clair puisque rentre dans la Lumière et la Gloire du Seigneur tu survis dans les coeurs, nombreux, de ceux qui se souviendront de toi.,
Professeur Fouad N. Boustany
– Mars 1996 –